VOYAGE D’ÉTUDE EN ALBANIE | 2025
Carnet albanais : Immersion au cœur d’un pays en transformation
Entre mémoire et modernité, l’Albanie s’est révélée à nous durant quelques jours d’octobre, à travers un programme mêlant découvertes institutionnelles, échanges politiques et plongées culturelles. Vingt-deux diplômé·e·s de l’IDHEAP, issu·e·s de divers services publics, ont ainsi eu l’occasion d’échanger, de se retrouver et de découvrir un pays fascinant, à la croisée de plusieurs mondes : méditerranéen et balkanique, européen et ottoman, tourné à la fois vers l’Occident et l’Orient. Petit pays montagneux, souvent aux prises avec de puissants voisins, l’Albanie a pourtant su, au fil des siècles, tracer sa propre voie.
Tirana, première rencontre
Sous un grand soleil d’automne, notre arrivée à Tirana fut marquée par la découverte d’une ville vibrante et contrastée. Depuis la place Skanderbeg, cœur battant de la capitale, s’étend une mosaïque d’architectures et d’ambiances : vestiges du passé communiste, monuments ottomans, façades colorées et cafés modernes. Entre deux bouchées de byrek dégustées en mode street food, chacun a trouvé ses repères dans cette capitale à la fois énergique et hospitalière. Le soir, depuis le Sky Bar et sa vue à 360°, la ville s’étendait sous nos yeux ; promesse d’un séjour placé sous le signe de la curiosité et du dialogue.
Institutions en mouvement : un parlement tourné vers l’avenir
Le lendemain, nous avons plongé au cœur des institutions albanaises. Au Parlement, Esmeralda Dida, chercheuse juridique, nous a présenté le service de Monitoring, chargé d’appuyer les député·e·s par des analyses et rapports destinés à renforcer la qualité du débat parlementaire. Xheni Lame, cheffe du service d’éducation civique, a évoqué les programmes de sensibilisation démocratique, notamment le Youth Parliament, où des collégiens simulent le travail législatif. Enfin, Denis Gilaj, de la commission pour l’intégration européenne, a souligné les défis et opportunités de l’adhésion à l’Union européenne, rappelant que « ce n’est pas seulement l’Albanie qui entre dans l’Union européenne, c’est aussi l’Union européenne qui entre en Albanie ».
Ces échanges ont mis en lumière un pays engagé dans une modernisation institutionnelle profonde, tourné résolument vers l’Europe et la consolidation de son État de droit.
Religions, histoire et mémoire : Tirana en résonance
L’après-midi fut consacré à la dimension culturelle et spirituelle de la capitale.
La mosquée Et’hem Bey, joyau du XVIIIᵉ siècle, illustre l’héritage ottoman de Tirana, tandis que la Grande Mosquée, inaugurée en 2024 et offerte par la Turquie, impressionne par ses dimensions monumentales. Face à elles, la cathédrale orthodoxe, moderne et lumineuse, témoigne d’un dialogue interreligieux vivant. Notre parcours s’est poursuivi à Bunk’Art, musée installé dans un ancien bunker d’État, où art contemporain et mémoire se mêlent pour évoquer les décennies du régime d’Enver Hoxha. Une expérience saisissante qui interroge la façon dont l’Albanie réconcilie son passé et son avenir.
Krujë, sur les traces de Skanderbeg
À une heure de route de Tirana, Krujë domine la plaine et la mer Adriatique. C’est ici que Skanderbeg, héros national du XVe siècle, mena la résistance contre l’Empire ottoman. Le musée qui lui est consacré, installé dans le château, célèbre la figure du chef unificateur et défenseur de l’identité albanaise. Entre glorification et mémoire nationale, la visite invite à réfléchir à la construction des mythes fondateurs, en Albanie comme ailleurs.
Avant cela, la visite du temple bektachi, haut lieu du soufisme prônant tolérance et paix, a offert un moment de recueillement. Dans les ruelles du vieux bazar, l’Albanie artisanale s’est ensuite dévoilée : tapis, cuivre, broderies, autant de traces d’un savoir-faire préservé.
Tirana au rythme de chacun
La journée libre du dimanche a permis à chacun d’explorer la ville selon ses envies : flânerie dans le Grand Parc et autour du lac artificiel, découverte du marché de Pazar i Ri ou du quartier de Blloku, jadis réservé à la nomenklatura.
Les plus aventureux se sont rendus jusqu’à Durrës ou Ulcinj, sur la côte adriatique, mêlant détente, histoire et atmosphère méditerranéenne.
En fin de journée, la Pyramide de Tirana, ancien mausolée d’Enver Hoxha transformé en espace public, a offert une vue saisissante sur la ville au coucher du soleil, symbole d’une Albanie en pleine renaissance.
Coopération et diplomatie : la Suisse et l’Albanie, un partenariat exemplaire
La dernière journée fut consacrée à la coopération internationale.
Nous avons rencontré Sabine Piccard, Head of Governance and Health, et Erisa Lame, Programme Officer on Political Affairs and Democracy, de l’Ambassade de Suisse en Albanie. Leurs interventions ont mis en évidence les liens durables entre nos deux pays, fondés sur la confiance, la stabilité régionale et le soutien au processus d’intégration européenne.
Aux côtés de l’Ambassade, Elvin Gjevori, directeur de Global Partners Governance en Albanie, et Gasper Gjeluci, directeur du National Democratic Institute (NDI), ont partagé leurs actions en faveur d’un parlement plus transparent et d’une jeunesse plus engagée.
Depuis 1992, la Suisse accompagne l’Albanie dans sa transition démocratique et économique. Sa stratégie de coopération 2022–2025, dotée d’un budget annuel de 105 millions CHF, repose sur quatre axes : santé, gouvernance démocratique, développement économique et emploi, infrastructures urbaines et climat. Un partenariat solide et exemplaire, au cœur de la politique suisse dans les Balkans occidentaux.
Le Conseil de l’Europe et les ponts vers le Kosovo
L’après-midi s’est poursuivi par la visite du Conseil de l’Europe à Tirana, où Antuen Skenderi, Kejsi Ziu, Arvena Deda et Iva Coku (Senior Project Manager) ont présenté cinq projets phares :
- protection des droits des détenus,
- garantie du droit de propriété,
- réforme de l’administration locale,
- lutte contre la corruption,
- lutte contre la discrimination et les discours de haine.
Ces initiatives traduisent la volonté constante du Conseil de l’Europe de renforcer l’État de droit et la cohésion démocratique.
La rencontre avec Liburn Aliu, ancien ministre des Transports du Kosovo, a clôturé notre séjour. Revenant sur son parcours de militant, il a présenté plusieurs projets menés avec l’Albanie : l’autoroute Prishtina–Tirana, le port de Durrës (Porto Romano) et l’étude du futur axe ferroviaire Prishtina–Tirana–Durrës.
Autant d’initiatives illustrant la volonté commune de rapprocher les peuples des Balkans par des liens économiques, politiques et culturels durables.
Une Albanie entre héritage et horizon
Au fil des rencontres, des visites et des échanges, ce voyage aura offert bien plus qu’un aperçu institutionnel : une véritable plongée dans l’âme d’un pays en transition. Entre mémoire encore vive et volonté d’avenir, l’Albanie se révèle dans toute sa complexité : fière, résiliente et profondément tournée vers l’Europe.
